Verticale d'Arvine Grain Noble de Marie-Thérèse Chappaz.
Mercredi 9 Mars 2011, 17:51 GMT+2Par Nicolas HerbinCet article a été lu 2578 fois
Remarquable dégustation hier soir au CAVE des liquoreux du domaine des Claives à Fully. De la passion, de la simplicité, une vraie humilité, et un charisme magnifique, c’est Marie-Thérèse Chappaz. Grâce à elle, à ses vins, ces enfants du mystère, du hasard et de la ténacité, nous avons passé un moment inoubliable !
Ces liquoreux sont issus d’une vigne d’arvine située sur les Claives, à Fully. Sur le Grain Noble, on a une expression très poussée des millésimes, avec des écarts importants d'expressions. Dans cette quête du grand liquoreux, le raisin est le capteur des éléments et du terroir, et le vin qui en résulte est comme la synthèse ultime de l’année. Les vendanges peuvent se faire avant la fin des secs (2006) ou jusqu'à janvier/février.
Marie-Thérèse Chappaz explique qu’avec les grands liquoreux, on ne sait jamais où l’on va ; que chaque millésime est un pari. Parfois tout est ramassé en une fois, parfois en plusieurs tries.
La vinification est beaucoup plus simple : la vendange a généralement lieu le samedi, jusqu’au milieu de l’après-midi. C’est pressé en raisin entier. Le pressurage est long : si les raisins ont très peu de jus comme 1998, on presse et on remet un peu de jus pour faire une mini-pelliculaire. On laisse débourber 2-3 heures ; on enlève les bourbes les plus grossières, on entonne, puis on laisse fermenter. Parfois, cela dure 1, 2, ou 3 mois ; puis stabilisation au so2 ; ensuite, deux ans d’élevage sur lies sans toucher. Au final, les vins sont seulement pré-filtrés, pas de filtration complète car l’élevage long clarifie le vin.
Economiquement, ce ne sont pas des vins forcément rentables, mais leur sens est poétique. C’est, dit Marie-Thérèse, pour le plaisir, un exercice de style, philosophique. Selon elle, l’Ermitage vieillit peut-être mieux encore que l'Arvine. En Valais, les Grains Nobles sont le plus souvent issus d’Ermitage et d’assemblages. La Malvoisie donne peu d'acidité. L’Amigne de Vétroz est également un grand cépage de Grain Noble, très fin, à ne pas oublier.
Pranvera 5 juillet 1989 : année sèche, très solaire, septembre, octobre et novembre sans pluie. C’est une amie de Marie-Thérèse qui a réalisé l'étiquette pour sa fille, c’était l’année de l’inauguration de la cave (premier millésime 1988). Pas de barrique sur ce vin, 100% passerillage. Filtration forte et collage qui avaient un peu dépouillé le vin après mise… et fait pleurer Marie-Thérèse de rage !
Nez de vin sec, rappelant de grands jurançons, assez pur, sur les fruits jaunes avec presque le côté variétal du cépage, typique des années de passerillage. Très jolie bouche, bien équilibrée, liqueur apaisée, fruité doux, très fin, allonge citronnée, pure, joli toucher aérien, amers fins en finale, finit sur le salé.
1994 : beaucoup de botrytis, une année pour les abeilles ! Vendangé fin octobre, début novembre.
Premier nez avec une pointe de volatile, assez terpénique. A l’évolution bouquet plein, très riche, beaucoup de fumé, des notes de dates, de fruits macérés, pour aboutir au safran. Grande liqueur, plus de puissance, d’amers. Vin porté sur l'attaque, très long, très rôti, moins uni que 89, plus décadent. Plus changeant dans le verre que le 89 aussi, moins simple, presque plus de personnalité. S’ouvre et s'épure à l'air. Finale sur l'abricot mûr, l'orange.
1997 : année moyenne, peu de botrytis, 12-12.5° d'alcool.
Côté réduction soufrée du premier nez qui réclame de l'air, la futaille n’était sans doute pas idéale (pas facile de se rattraper quand on ne fait que 1 ou 2 fûts en moyenne sur une seule cuvée !). Pointe de volatile perceptible surtout au palais. Le vin est plus simple, moins diversifié et fruité dans la saveur que les précédents, plus limité. Il est temps de le boire.
1998 : millésime de grande concentration, beaucoup de botrytis, vendangé le jour des Rois, concentré par le foehn durant les fêtes de fin d’année. Une seule barrique, la vendange très tardive avait éliminé la moitié de la récolte, 220° Oe. La fermentation a mis deux mois à démarrer, puis à partir de 6.5-7% les levures ont arrêté de travailler.
Enorme nez exotique, abricot confit, porté par une légère volatile qui rehausse le bouquet. Evolution doucereuse, vanillée, très appétante, gourmande. L'impression de liqueur est très forte, on retrouve un peu de volatile dans la saveur, mais la richesse et la puissance aromatique emportent tout sur leur passage. Vin de grande constitution, allonge monumentale ! Rétro-olfaction sur la confiture d'orange, le miel d'acacia, interminable. Grand vin !
1999 : 50% botrytis, 50% passerillé, vendangé fin novembre.
Nez discret mais fin et plutôt pur, sur l'acacia, porté par un peu de volatile. Il manque peut être un peu de précision et surtout d'ouverture, à ce stade (12 ans). Bouche assez équilibrée, liqueur moyenne, pas mal d'amers, surprenant dans la saveur, presque une allonge de vin sec, un peu retenu. Très marqué arvine, finit salin. Joli vin, peut être pas tout à fait grain noble dans l’esprit.
2000 : beaucoup de botrytis, millésime mûr et riche, vendangé également fin novembre.
Plus de volatile que sur le 1999, comme souvent sur les années très botrytisées. Attaque beaucoup plus puissante, plus large ;, liqueur imposante qui rejoint dans l’opulence les 1994 et 1998 ; il évolue sur le citron confit. Belle année de botrytis, peut être un peu moins précise et moins géniale que le 1998. Mais c'est un très beau vin !
2001 : année de rêve, trois tries : une en octobre 100% botrytis, une fin novembre, une avant Noël passerillée totalement. Cette année là, 1gr d'acidité en plus dans tous les vins que dans les autres millésimes.
Premier nez assez pur, peu de volatile (en tout cas moins que 2000), très épicé, miel d’acacia, chartreuse. On devine l’équilibre au nez et en bouche, autant de liqueur que les grandes années précédentes mais structure plus raffinée, grand style, grande tenue, peu d'évolution, vin parfait et d’important potentiel. Allonge aromatique faramineuse qui signe le grand vin. Moins baroque et génial que le 98 dans le côté incontrôlable, mais plus stylé, plus éduqué.
2002 : beaucoup de botrytis cette année là, une seule barrique réalisée, vin trouble car difficile à filtrer du fait de sa richesse en sucre
Robe trouble, acidité volatile importante, presque dominante, fruité moins net. Bouche ultra riche et rôtie, du miel en fusion, saveur plus pure que le nez sur la confiture d'orange, sacrée puissance, l'expression est sauvage, presque un côté rock’n’roll, il fait très « mauvais garçon » après le 2001 !
2003 : Année de canicule, restriction d'eau, 2 tries, pas de botrytis ; la première est la meilleure, moins d'acidité dans la seconde, les deux ont été assemblées. 175° Oe.
Notes d'infusion de tilleul, un peu caramélisé. Bouche puissante mais heureusement pas aussi baroque qu'on aurait pu le présupposer, notes pétrolées presque riesling. Très bon équilibre pour l'année en bouche, sur la confiture d'orange, d'abricot. Evolue sur le thym, le miel de pin. Très belle bouteille dans le contexte, grande allonge, tous les arômes n’ont pas été cuits, la chance sans doute à la première trie !
2004 : très beau millésime de botrytis. 175° Oe
Très botrytisé, acidité volatile présente, encore un peu retenu et fermé dans les arômes (vin jeune) mais très suave en bouche, bien liquoreux, sur la marmelade d'orange amère, sirupeux, quasi collant à ce stade. On dirait le 98 quelques années plus tôt, impressionnant. Le temps affinera la matière et son génie éclatera !
2006 : pluies chaudes le 15 octobre puis foehn et beau temps, vendage ultra riche. 230° Oe, 7% d'alcool.
Incroyable note d'abricot confit, beaucoup de séduction, liqueur fantastique, vin superlatif, d'une richesse de constitution hors normes, comme un mélange de miel et de marmelade d'abricot. Evolue sur la violette, à la manière de quelques rares grands Condrieu moelleux. Vin inouï, une œuvre d'art baroque, pour amateurs de sensations fortes.
2007 : joli botrytis, belle année équilibrée. 170° Oe
Petite réduction soufrée qui prend le pas sur le vin à ce stade ; évolution sur un toasté d'élevage pas encore intégré, on sent un vin très jeune. On retrouve le toast sur l'attaque. En le grumant on fait sortir son fruité citronné, très bonne intensité, belle liqueur, moins imposante que 2006, se prolonge bien jusqu'au milieu de bouche mais la finale retenue montre que le temps est nécessaire à l’harmonie et ouverture aromatique. Il vient à peine d’être mis en vente !





Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.